N’accusez personne (Julio Cortazar, recueil « Fin d’un jeu »)

Comment expliquer cette nouvelle? Une agression, mais qui en est responsable, hormis lui- même?

Une nouvelle où le fantastique rôde, malgré les tentatives de l’auteur de le démasquer, jusqu’à ce qu’il se jette à la gorge de sa victime, se refermant avec effroi sur le conte.

 Une histoire banale

Le mari enfile à la hâte son pullover bleu, en retard, il doit retrouver sa femme qui l’attend dans un grand magasin.

Le fantastique se manifeste soudain, dans le rythme des phrases, interminables, s’enchainant sans pause afin de décrire comment, d’enfiler un pull, il en est venu à lutter contre la laine bleue qui l’enserre, à l’étouffer, tel un boa étrangle peu à peu sa proie.

L’ennemi désigné c’est le pullover, jusqu’à ce qu’il réussisse à enfiler son bras droit totalement.

Alors que le bras gauche est empêtré totalement dans la laine, il décide d’y enfoncer tout le corps, pour accélérer les choses.

Disparité de la perception du personnage

On distingue alors une opposition entre le monde du pull et en dehors.

Les parties de son corps sont décrites de façon autonome, jusqu’à être dissociées, comme pour un schyzophrène souffrant de dissociation physique.

Ses jambes sont neutres, bien qu’il lui faille éviter de trop s’agiter, car il a laissé la fenêtre grande ouverte, ce qui suppose un danger à passer au travers, et donc tomber. Il habite donc en hauteur.

La tête et le bras gauche semblent être tout ce qu’il parvient encore à contrôler de son corps. Il n’a plus de buste, juste deux entités indépendantes, empêtrées dans la laine bleue, chair étouffante.

Il doute de leur position, jusqu’à réussir à sortir le bras droit. Alors qu’on peut s’attendre à une métamorphose, à ce que le bras ne soit plus le sien, cet élément de terreur est désamorcé.

 « […] mais à la lumière du soir le doigt semble tout ridé et crochu avec un ongle noir et pointu. Il tire brutalement sur la manche du pull et regarde sa main comme si elle n’était pas à lui, mais non, maintenant qu’elle est hors du pull, c’est bien sa main de tous les jours […] »

Suspens, que se passe- t- il ici ?

Alors que le récit évolue en instillant l’idée que son calvaire sera sans fin, il parvient à extraire sa tête d’une ouverture du pull.

La réalité bascule alors totalement. Son bras gauche, englué dans le pull, est tout ce qu’il reste de lui. Sa main droite aux ongles noirs est sauvage et l’attaque. Il s’enfouit la tête dans le pull, s’éloignant de l’étreinte des doigts hostiles.

La fin est implicite : « l’air retentissant » et « douze étages » rejoignent les indices de danger du début de la nouvelle. Ss jambes l’ont précipité dans le vide au travers de la fenêtre.

 Mon avis

Cette nouvelle, très brève, est à rapprocher du Fleuve (toujours de Cortazar). La réalité devient hostile et des éléments sans volontés sont personnifiés.

A propos Erick

Diététicien, INFP, yogi coincé, coureur amateur. Buts: écrire mieux, donner du sens à chaque expérience en organisant par écrit mes impressions !
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